
Le samedi 19 avril 2025 restera une date marquante dans l’histoire politique récente de la Tunisie. Un tribunal de première instance à Tunis a rendu son verdict dans un procès hors norme, condamnant quarante personnes, dont plusieurs figures majeures de l’opposition, à des peines de prison allant de 13 à 66 ans. Ces condamnations, prononcées pour « complot contre la sûreté de l’État » et « adhésion à un groupe terroriste », ont suscité une onde de choc et sont perçues par de nombreux observateurs comme une dérive autoritaire destinée à écraser toute opposition politique.
Un procès sans précédent et controversé
Ce procès, ouvert le 4 mars 2025, a rassemblé une quarantaine d’accusés parmi lesquels des hommes politiques, avocats, militants des droits humains, journalistes et hommes d’affaires. Parmi les condamnés figurent des personnalités connues telles que Issam Chebbi, chef du parti social-démocrate Al Joumhouri, Jawhar Ben Mbarek, cofondateur de la coalition d’opposition Front de Salut National, l’ex-ministre Ghazi Chaouachi, l’avocat Ridha Belhaj, la militante Chaïma Issa, ainsi que Khayam Turki, ancien dirigeant du parti Ettakatol. L’homme d’affaires influent Kamel Eltaïef a écopé de la peine la plus lourde, 66 ans de prison.
Le procès s’est déroulé dans un contexte tendu, marqué par l’exclusion des journalistes, des organisations de défense des droits humains et des missions diplomatiques lors de la dernière audience. Les accusés n’ont pas été entendus en personne, certains étant détenus à distance par visioconférence, ce qui a été dénoncé comme une violation flagrante des droits de la défense. Plusieurs avocats, dont Samia Abbou, ont qualifié la procédure de « mascarade judiciaire », dénonçant un dossier vide et un verdict préparé à l’avance.
Des accusations lourdes dans un contexte répressif
Les chefs d’accusation retenus — complot contre la sûreté de l’État et adhésion à un groupe terroriste — sont très graves et ont été utilisés pour justifier des peines extrêmement sévères. Le parquet antiterroriste a communiqué ces accusations sans fournir de détails publics sur les preuves présentées.
Selon Human Rights Watch et d’autres ONG, ce procès s’inscrit dans un contexte répressif où le président Kaïs Saïed instrumentalise le système judiciaire pour éliminer ses opposants politiques et réduire au silence les dissidents. Depuis le coup de force de l’été 2021, qui a permis à Saïed de s’arroger les pleins pouvoirs, la Tunisie connaît une régression notable des libertés démocratiques, avec des arrestations massives et des poursuites judiciaires contre les voix critiques.
Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme avait déjà dénoncé en février 2025 la persécution des opposants en Tunisie, soulignant que nombre d’entre eux étaient inculpés sur la base d’accusations vagues et infondées, liées à l’exercice légitime de leurs droits politiques et civiques.
Réactions et implications politiques
Le verdict a provoqué une vague d’indignation au sein de l’opposition tunisienne, des défenseurs des droits humains et sur la scène internationale. La coordination des familles de prisonniers politiques a qualifié ce procès de « tragédie judiciaire » et de « pièce de théâtre médiocre », dénonçant une justice instrumentalisée au service d’un pouvoir autoritaire.
Pour l’avocate Haifa Chebbi, fille d’un des accusés, ce verdict est une « triste illustration de l’état de la justice et des libertés en Tunisie ». De nombreux observateurs estiment que ces condamnations visent à décapiter l’opposition politique et à instaurer un climat de peur et de silence.
Sur le plan politique, ce procès marque un durcissement supplémentaire du régime de Kaïs Saïed, qui semble vouloir consolider son emprise sur le pays en éliminant toute contestation organisée. Cette situation accroît les tensions internes et risque d’isoler davantage la Tunisie sur la scène internationale, notamment auprès des partenaires démocratiques.
Le procès rendu public le 19 avril 2025 en Tunisie illustre une dérive autoritaire inquiétante, où la justice est utilisée comme un instrument politique pour réprimer l’opposition. Les lourdes peines infligées à une quarantaine de personnes, dont des figures politiques emblématiques, traduisent une volonté claire de museler toute dissidence.
Dans un contexte où les libertés fondamentales sont déjà fragilisées, ce procès inédit aggrave la crise démocratique tunisienne et soulève de sérieuses questions sur l’avenir politique du pays. La communauté internationale et les acteurs de la société civile tunisienne sont désormais confrontés à un défi majeur : défendre les droits humains et promouvoir un retour à un État de droit respectueux des principes démocratiques.