
La frontière entre les États-Unis et le Mexique est depuis plusieurs années l’épicentre d’une crise migratoire majeure, qui s’est encore aggravée en 2025. Des milliers de migrants, principalement originaires d’Amérique centrale, se retrouvent bloqués dans des conditions extrêmement précaires, dans l’attente d’une régularisation ou d’une demande d’asile devenue quasi inaccessible. Cette situation est la conséquence directe de politiques migratoires très restrictives, notamment sous l’administration Trump, qui ont durci les contrôles, multiplié les expulsions et démantelé les procédures légales permettant de déposer une demande d’asile. Le Mexique, quant à lui, est confronté à un afflux massif de migrants qu’il ne peut plus laisser traverser vers le nord, ce qui génère des défis humanitaires et économiques considérables.
Un itinéraire migratoire meurtrier et un contexte de violence
La frontière américano-mexicaine est considérée comme l’itinéraire migratoire terrestre le plus meurtrier au monde. Depuis 2014, plus de 1 250 décès de migrants y ont été recensés, victimes des conditions extrêmes du désert, des violences des passeurs, ou d’accidents liés à la traversée. En 2025, cette tendance ne faiblit pas, bien au contraire. Les migrants fuient principalement la pauvreté, la violence et les régimes autoritaires en Amérique centrale (Honduras, Guatemala, Salvador), mais aussi au Venezuela et au Mexique même. Sur leur route, ils sont exposés à l’extorsion, aux enlèvements, aux agressions sexuelles, et à la traite humaine. Les « coyotes », passeurs sans scrupules, exploitent leur vulnérabilité, leur faisant souvent prendre des risques mortels.
La politique migratoire américaine : durcissement et démantèlement des procédures d’asile
Depuis le retour au pouvoir de Donald Trump en 2025, la politique migratoire américaine s’est encore durcie. Le gouvernement a multiplié les expulsions vers le Mexique, notamment des non-Mexicains, comme des Vénézuéliens et des Centraméricains, qui représentent une part importante des flux. Ces expulsions massives ont pour effet de bloquer des milliers de personnes au sud de la frontière. L’une des mesures les plus emblématiques a été la suppression de l’application CBP One, qui permettait aux migrants de prendre rendez-vous pour déposer une demande d’asile avant leur arrivée aux États-Unis. Cette application, pourtant critiquée pour son caractère obligatoire et son accès limité, était un des rares outils légaux pour entamer une procédure d’asile. Sa disparition a plongé des dizaines de milliers de migrants dans une situation d’impasse, sans possibilité de régularisation.
Amnesty International dénonce cette politique comme un démantèlement complet du droit d’asile, exposant les migrants à des risques accrus d’exploitation et de violence. Les mineurs non accompagnés sont particulièrement vulnérables, souvent coincés dans des camps de fortune, sans accès aux services de base.
La militarisation accrue de la frontière et la coopération américano-mexicaine
Face à l’augmentation des flux migratoires, les États-Unis et le Mexique ont intensifié la militarisation de la frontière. Depuis début 2025, plus de 10 000 soldats mexicains ont été déployés le long des 3 100 kilomètres de frontière, en réponse aux menaces américaines de droits de douane et sous la pression de Washington.
Les forces américaines ont renforcé les barrières physiques, installé des barbelés et multiplié les patrouilles. Une coordination étroite s’est mise en place entre les militaires des deux pays, avec des échanges d’informations via des groupes de messagerie instantanée, illustrant une coopération pragmatique malgré les tensions politiques. Cette militarisation a permis de réduire de 65 % les interceptions de migrants aux points de passage officiels comparé à l’année précédente, mais elle n’a pas pour autant arrêté totalement les tentatives de franchissement, qui se font désormais dans des conditions encore plus dangereuses.
Le Mexique : un pays de transit devenu un pays de blocage
Le Mexique, traditionnellement pays de transit, est devenu un pays de blocage. Les migrants qui ne peuvent plus traverser vers les États-Unis se retrouvent piégés dans des camps informels, souvent insalubres et surpeuplés, où les conditions de vie sont très difficiles8.
Le gouvernement mexicain, sous la présidente Claudia Sheinbaum, a multiplié les opérations de dispersion des caravanes de migrants et renforcé la présence militaire à la frontière sud du pays, notamment dans les États du Chiapas et du Tabasco. Cette politique a suscité un climat de peur et de répression, avec des détentions et expulsions massives, notamment contre les migrants mexicains eux-mêmes, qui fuient la violence interne6.
Les ONG et organisations humanitaires, comme Médecins Sans Frontières, dénoncent la fermeture des voies légales d’asile et l’absence de protection pour ces populations vulnérables. Elles alertent sur la crise humanitaire grandissante, avec des centaines de milliers de personnes exposées à la violence, à la malnutrition et aux maladies.
Une crise humanitaire aux conséquences dramatiques
La fermeture des procédures d’asile et la militarisation de la frontière ont des conséquences humaines dramatiques. Les migrants bloqués au Mexique sont souvent contraints de recourir aux passeurs, s’exposant à des risques accrus d’enlèvements, d’extorsion et de violences sexuelles.
Les enfants sont particulièrement touchés. Beaucoup sont séparés de leurs familles, vivent dans des conditions insalubres, et font face à un dilemme cruel : retourner dans un pays qu’ils ont fui ou tenter la traversée illégale, au péril de leur vie.
Le nombre de décès le long de la frontière reste élevé, notamment dans des zones désertiques et montagneuses où les températures extrêmes et le manque d’eau provoquent de nombreuses morts chaque année.
Les enjeux politiques et sociaux aux États-Unis et au Mexique
Aux États-Unis, la question migratoire est un sujet de division politique majeure. Elle est souvent instrumentalisée dans les campagnes électorales et alimente les débats sur la sécurité, l’économie et l’identité nationale3. La politique restrictive de Donald Trump, bien que critiquée par une partie de la société, bénéficie d’un soutien important dans certaines régions et parmi une partie de l’électorat conservateur.
Au Mexique, la présidente Claudia Sheinbaum doit concilier la pression américaine avec les exigences humanitaires internes. Son refus de laisser l’armée américaine intervenir sur le sol mexicain pour combattre les cartels témoigne d’une volonté de préserver la souveraineté nationale, mais le déploiement massif de soldats mexicains à la frontière génère des critiques sur la militarisation et les atteintes aux droits humains.
Perspectives et appels à une réforme urgente
Face à cette crise, de nombreux acteurs appellent à une réforme urgente des politiques migratoires dans la région. Amnesty International, Médecins Sans Frontières et d’autres ONG demandent la réouverture des voies légales d’asile, la protection des droits fondamentaux des migrants, et un soutien accru aux pays de transit comme le Mexique.
Les experts soulignent que la militarisation seule ne pourra jamais résoudre les causes profondes des migrations, qui sont liées à la pauvreté, à la violence, aux inégalités et aux changements climatiques dans les pays d’origine.
Une coopération régionale renforcée, intégrant des politiques de développement, de sécurité et de respect des droits humains, est indispensable pour sortir de l’impasse.
La crise migratoire à la frontière américano-mexicaine est un drame humain d’une ampleur considérable, qui illustre les limites des politiques sécuritaires et restrictives. Des milliers de personnes, souvent vulnérables, se retrouvent piégées dans un entre-deux mortel, entre des États qui ferment leurs portes et des passeurs qui exploitent leur désespoir.
La disparition de l’application CBP One, la militarisation accrue de la frontière, les expulsions massives et le blocage au Mexique aggravent une situation déjà critique. Cette crise appelle une réponse humanitaire et politique globale, respectueuse des droits fondamentaux, pour offrir une alternative digne à ces migrants en quête d’un avenir meilleur.