
Le vendredi 18 avril 2025, le Sénat de la République Démocratique du Congo (RDC) a adopté une nouvelle prorogation de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, deux régions de l’est du pays particulièrement affectées par les violences armées. Cette mesure, qui prolonge l’état d’exception pour une durée de 15 jours à compter du 22 avril, s’inscrit dans la volonté affichée du gouvernement de poursuivre la lutte contre les groupes armés qui déstabilisent la région depuis plusieurs années. Parallèlement, un rapport alarmant a été présenté, dressant un tableau préoccupant de la situation humanitaire et des violations des droits de l’homme dans ces provinces, avec un appel pressant à une meilleure assistance humanitaire.
Une prorogation controversée de l’état de siège
Le projet de loi autorisant la prorogation de l’état de siège a été adopté sans débat, lors d’une séance plénière au Palais du peuple, siège du Sénat congolais. Sur 109 sénateurs, 76 ont pris part au vote, avec 75 voix pour, une seule contre et aucune abstention. Ce texte légal, composé de trois articles, prévoit la prolongation de l’état de siège pour une quinzaine de jours, l’abrogation des dispositions antérieures et l’entrée en vigueur immédiate de la mesure.
L’état de siège a été instauré dans ces provinces depuis mai 2021 par ordonnance présidentielle, dans le but de remplacer les autorités civiles par une administration militaire afin de mieux combattre les groupes armés, notamment le M23, accusé d’être soutenu par le Rwanda, ainsi que d’autres milices locales et étrangères. Samuel Mbemba, vice-ministre de la Justice, a rappelé que l’objectif de restaurer la paix et la sécurité dans l’est du pays n’a pas encore été atteint, justifiant ainsi la nécessité de cette prorogation.
Cependant, cette mesure suscite de nombreuses critiques. Des élus provinciaux, notamment en Ituri, ont exprimé leur opposition à cette prolongation, dénonçant l’impact négatif sur les institutions civiles et les libertés fondamentales. De plus, la société civile, les organisations de défense des droits humains et une partie de la population appellent à la levée pure et simple de l’état de siège, estimant que cette mesure n’a pas permis d’améliorer la sécurité et a même aggravé la situation des droits humains dans la région.
Une situation humanitaire critique dans l’est de la RDC
Le maintien de l’état de siège intervient dans un contexte humanitaire particulièrement préoccupant. Un rapport présenté récemment met en lumière les graves violations des droits de l’homme perpétrées dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, où les populations civiles sont victimes d’atrocités multiples, notamment des massacres, des déplacements forcés, des violences sexuelles et des pillages.
La présence des groupes armés, leur activisme et la persistance des conflits ont engendré une crise humanitaire majeure. Des centaines de milliers de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, vivant dans des conditions précaires, avec un accès limité aux services de santé, à l’eau potable et à la sécurité alimentaire. Les infrastructures sociales et économiques sont largement détruites ou inopérantes.
Face à cette situation, les acteurs humanitaires lancent un appel urgent à la communauté internationale pour renforcer l’aide et les moyens d’intervention dans la région. Ils insistent sur la nécessité d’une assistance coordonnée, durable et adaptée aux besoins spécifiques des populations affectées, tout en soulignant l’importance d’un respect strict des droits humains dans le cadre des opérations militaires et sécuritaires.
Un équilibre fragile entre sécurité et respect des droits
L’état de siège, en instaurant un régime d’exception, confère des pouvoirs étendus aux autorités militaires, notamment en matière de maintien de l’ordre et de gestion administrative. Si cette mesure vise à restaurer la paix, elle soulève des questions sur le respect des libertés publiques et la gouvernance démocratique.
Depuis son instauration, les critiques dénoncent des abus, des arrestations arbitraires et une restriction des droits civils. Amnesty International et d’autres ONG ont souligné que la situation sécuritaire ne s’est pas améliorée significativement, et que les populations continuent de subir des violences, parfois exacerbées par la présence militaire.
Le gouvernement congolais se trouve ainsi face à un dilemme : comment concilier la nécessité d’une action forte contre les groupes armés et la protection des droits fondamentaux ? La prorogation répétée de l’état de siège, désormais à sa 97e occurrence, témoigne d’une situation sécuritaire toujours instable et d’une absence de solution politique durable.
Perspectives et enjeux
La prorogation de l’état de siège pour une quinzaine de jours montre que la situation sécuritaire dans l’est de la RDC demeure critique et que les autorités privilégient une approche militaire pour tenter d’y remédier. Toutefois, le débat sur l’efficacité de cette mesure et ses conséquences sur la société congolaise reste vif.
Pour sortir de cette impasse, il est essentiel d’accompagner les opérations militaires par des initiatives politiques, sociales et humanitaires. La restauration de l’autorité de l’État doit s’accompagner d’un renforcement des institutions civiles, d’un dialogue inclusif avec les communautés locales et d’une réponse humanitaire adaptée.
Par ailleurs, la communauté internationale est appelée à soutenir davantage la RDC, tant sur le plan sécuritaire que pour l’aide aux populations vulnérables. La mobilisation des ressources et une coordination efficace entre les acteurs étatiques et humanitaires sont indispensables pour atténuer la souffrance des civils et poser les bases d’une paix durable.
Le vendredi 18 avril 2025 illustre la complexité de la situation dans l’est de la RDC : la prorogation de l’état de siège reflète la persistance des défis sécuritaires, tandis que le rapport alarmant sur la crise humanitaire souligne l’urgence d’une réponse globale, respectueuse des droits de l’homme et centrée sur le bien-être des populations. Cette dynamique doit impérativement se traduire par des actions concrètes pour garantir la sécurité et le respect des droits fondamentaux dans la région.