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Élection présidentielle en Pologne 2025 : un scrutin décisif entre pro-européens et national-conservateurs

Un candidat politique s'exprime devant un public applaudi, entouré de soutien lors d'un événement mémorable.

Le premier tour de l’élection présidentielle polonaise, qui s’est tenu le 18 mai 2025, a confirmé une tendance lourde dans la vie politique du pays : la polarisation entre une Pologne ancrée dans l’Union européenne et une Pologne national-conservatrice, portée par le parti Droit et Justice (PiS). Avec une participation élevée de 67,3 %, ce scrutin a mobilisé les électeurs autour d’un choix qui dépasse la simple élection d’un chef d’État, mais qui est perçu comme un véritable référendum sur l’orientation future du pays.

Le contexte politique : une Pologne divisée

Depuis la chute du régime communiste, la Pologne a connu une évolution politique marquée par un fort ancrage européen, notamment depuis son adhésion à l’Union européenne en 2004. Toutefois, la montée du PiS à partir de 2015 a profondément bouleversé ce paysage, avec une politique nationaliste, conservatrice et souverainiste, souvent en opposition avec Bruxelles et les valeurs libérales européennes.

Le président sortant Andrzej Duda, proche du PiS, a exercé un rôle puissant, notamment en période de cohabitation avec le gouvernement de Donald Tusk, chef de la Coalition civique (KO), parti de centre-droit pro-européen. La présidence a été marquée par des tensions institutionnelles, Duda usant de ses prérogatives pour contrer les réformes du gouvernement.

L’élection de 2025 intervient donc dans un climat tendu, avec un enjeu majeur : conforter ou inverser cette dynamique politique, et définir l’avenir européen de la Pologne.

Les candidats en lice : Trzaskowski et Nawrocki en tête

Le premier tour a vu s’affronter treize candidats, dont deux principaux favoris : Rafał Trzaskowski, maire de Varsovie et candidat de la Coalition civique, et Karol Nawrocki, historien et ancien directeur de l’Institut de la mémoire nationale, soutenu par le PiS.

Rafał Trzaskowski : le libéral pro-européen

Trzaskowski, 47 ans, est une figure montante de la politique polonaise. Ancien ministre de l’Administration et du Numérique, il est perçu comme un défenseur des valeurs européennes, des droits civiques et des réformes démocratiques. Sa campagne s’est articulée autour de la nécessité de renforcer les liens avec l’Union européenne, de moderniser l’économie polonaise et de défendre les libertés individuelles.

Son score au premier tour, avec 31,4 % des voix, confirme son ancrage solide dans les grandes villes et l’ouest du pays. Il bénéficie du soutien de la majorité des partis centristes et de la gauche modérée, ainsi que du Parti paysan polonais (PSL), allié clé de la Coalition civique.

Karol Nawrocki : le national-conservateur

Nawrocki, 52 ans, a fait carrière dans le monde universitaire et mémoriel, avant d’être adoubé par le PiS. Il incarne la ligne dure du nationalisme polonais, attaché à la souveraineté nationale, à la défense des valeurs traditionnelles et à une certaine méfiance envers Bruxelles. Admirateur déclaré de Donald Trump, il prône une politique plus ferme sur l’immigration et la sécurité.

Il a obtenu 29,5 % des voix, avec un fort ancrage dans les zones rurales et l’est du pays. Son électorat est consolidé par la montée de l’extrême droite, dont les candidats Sławomir Mentzen et Grzegorz Braun ont obtenu ensemble plus de 21 % des voix, un record historique. Ces voix devraient en grande partie se reporter sur Nawrocki au second tour.

Un premier tour marqué par la poussée de l’extrême droite

L’une des surprises du scrutin est la percée des candidats d’extrême droite. Sławomir Mentzen, du parti Confédération, a obtenu 14,8 % des voix, tandis que Grzegorz Braun, figure controversée et antisémite notoire, a recueilli 6,3 %. Cette montée traduit une radicalisation d’une partie de l’électorat, notamment chez les jeunes (41 % des 18-29 ans ont voté pour ces candidats), et une défiance envers les partis traditionnels. Cette dynamique complique les perspectives du second tour, car le report des voix de l’extrême droite ne va pas de soi et pourrait influencer l’issue finale.

Analyse géographique du vote

La carte électorale polonaise reste divisée selon des lignes traditionnelles : l’ouest et les grandes villes ont majoritairement voté pour Trzaskowski, tandis que l’est et les zones rurales ont préféré Nawrocki. Cette fracture reflète des différences économiques, culturelles et sociales profondes, avec une Pologne urbaine plus ouverte et européenne, face à une Pologne rurale plus conservatrice et attachée à ses racines nationales.

Les enjeux du second tour

Le second tour, prévu le 1er juin 2025, s’annonce très serré. Les derniers sondages donnent une légère avance à Trzaskowski (46 %) contre 44 % pour Nawrocki, avec 10 % d’indécis. L’écart s’est réduit au fil de la campagne, Nawrocki ayant réussi à élargir son électorat malgré un scandale récent l’accusant d’avoir acquis un appartement de manière frauduleuse. Pour Trzaskowski, le défi est de mobiliser au-delà de son socle urbain et de convaincre les électeurs modérés et de gauche, tandis que Nawrocki doit capitaliser sur le vote rural, conservateur et d’extrême droite.

Le rôle du Président Polonais : un pouvoir symbolique mais stratégique

Le Président polonais n’a pas de rôle législatif direct et ne représente pas le pays dans les institutions internationales, rôle réservé au Premier ministre. Cependant, il dispose de pouvoirs importants, notamment en période de cohabitation, comme celle qui prévaut depuis 2023 entre le président Duda (PiS) et le gouvernement Tusk (KO). Le nouveau président aura donc une influence significative sur la politique intérieure, la nomination de certains hauts fonctionnaires, la politique étrangère et la défense, ainsi que sur la capacité à bloquer ou soutenir des réformes.

Enjeux européens : un choix pour l’avenir de la Pologne

Cette élection est aussi un test pour l’Union européenne. Rafał Trzaskowski incarne une Pologne résolument pro-européenne, favorable à une intégration renforcée, au respect des normes démocratiques et à la coopération régionale. Karol Nawrocki, lui, représente un courant souverainiste, critique de Bruxelles, et plus proche des positions de pays comme la Hongrie ou la Russie sur certains dossiers.

Le résultat du 1er juin aura donc un impact sur la relation entre Varsovie et Bruxelles, sur la politique européenne commune et sur la stabilité démocratique en Pologne.

Un scrutin à haute tension

L’élection présidentielle polonaise de 2025 est bien plus qu’un simple vote pour un chef d’État. Elle cristallise les tensions entre deux visions opposées du pays : une Pologne européenne, ouverte et démocratique, et une Pologne nationaliste, conservatrice et souverainiste. Le duel entre Rafał Trzaskowski et Karol Nawrocki, serré et incertain, illustre cette fracture profonde. Avec une participation élevée et une montée de l’extrême droite, le second tour s’annonce décisif pour l’avenir politique et européen de la Pologne.

Les observateurs européens et internationaux suivent de près ce scrutin, qui pourrait redessiner les contours de la démocratie polonaise et influencer durablement la dynamique politique du continent.

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