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La visite controversée du président syrien Ahmed al-Chareh à l’Élysée : entre diplomatie et indignation politique

Deux hommes se serrent dans une accolade amicale lors d'un événement officiel, avec des membres des forces de l'ordre en arrière-plan.

Le 7 mai 2025, Emmanuel Macron a reçu au palais de l’Élysée Ahmed al-Chareh, Président intérimaire des autorités syriennes de transition. Cette rencontre, la première d’un chef d’État syrien en Europe depuis de nombreuses années, marque un tournant diplomatique majeur, mais suscite une vive controverse sur la scène politique française.

Un contexte syrien explosif

Ahmed al-Chareh, figure centrale du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS), a pris le pouvoir en Syrie après une offensive éclair ayant renversé Bachar al-Assad en décembre 2024. Ce dernier, membre de la minorité alaouite, s’est réfugié en Russie après plus de vingt ans de règne. La Syrie, dévastée par quatorze ans de guerre civile, reste le théâtre de violences intercommunautaires et de tensions entre les différentes minorités religieuses, dont les alaouites, les chrétiens et les druzes, qui redoutent aujourd’hui la domination du nouveau pouvoir à majorité sunnite.La visite d’al-Chareh intervient dans un contexte de regain de violences : une semaine plus tôt, des affrontements entre forces loyalistes et combattants druzes ont fait près de 100 morts. Les minorités craignent des représailles, malgré les promesses répétées du président syrien d’assurer l’égalité de traitement à tous les citoyens, quelles que soient leur religion ou leur origine.

Les objectifs affichés de la France

Du côté français, Emmanuel Macron a justifié cette rencontre par la volonté d’accompagner la transition vers une Syrie « libre, stable, pluraliste et respectueuse de toutes les composantes de la société syrienne ». Le président français a réaffirmé l’engagement historique de la France auprès des Syriens aspirant à la paix et à la démocratie, tout en rappelant ses exigences : inclusivité de la transition, respect des minorités, stabilité régionale et lutte contre le terrorisme. Macron a également insisté sur le fait que la France ne fait preuve d’ »aucune naïveté » et n’entretient « aucune complaisance » envers les mouvements extrémistes. Il a demandé des garanties concrètes à Ahmed al-Chareh, notamment sur la protection des civils et la lutte contre l’impunité.

Une Vague de critiques à droite et à l’extrême droite

La décision de recevoir Ahmed al-Chareh à l’Élysée a déclenché une tempête politique, particulièrement à droite et à l’extrême droite. Les opposants dénoncent le passé du président syrien, ancien chef de HTS, organisation issue d’Al-Qaïda et classée comme terroriste par l’ONU.

  • Jordan Bardella (Rassemblement national) a qualifié la rencontre de « honte » et d’ »invraisemblable trahison de nos valeurs et de la mémoire de nos victimes », décrivant Ahmed al-Chareh comme « l’héritier d’Al-Qaïda et de Daech ».
  • Marine Le Pen a exprimé sa « stupeur et consternation », accusant Macron d’ »irresponsabilité » et de « provocation », et dénonçant la « reconnaissance internationale d’un régime abominable ».
  • Laurent Wauquiez (Les Républicains) a parlé de « faute » et de « lourde erreur », estimant qu’ »on ne reçoit pas des dirigeants issus d’organisations qui ont attaqué la France ».
  • Éric Ciotti a déclaré sur RTL que cette visite était « une tache pour la France », rappelant les liens présumés entre HTS et des actes terroristes perpétrés sur le sol français.

Des associations, notamment le Collectif franco-alaouite, ont également manifesté à Paris, accusant Ahmed al-Chareh de « génocide » et de « nettoyage ethnique ».

La Réponse de l’Exécutif

Face à la polémique, Emmanuel Macron a assumé publiquement sa décision, arguant que « la diplomatie ne consiste pas à ne recevoir que des gens avec qui nous sommes totalement d’accord ». Il a défendu l’intérêt stratégique de la France en Syrie et la nécessité de dialoguer avec tous les acteurs pour stabiliser la région. Ahmed al-Chareh, de son côté, a tenté de se démarquer de son passé djihadiste, exprimant sa solidarité avec toutes les victimes du terrorisme et promettant une gouvernance inclusive.

Un pari diplomatique risqué

Cette visite, suivie de près par les chancelleries européennes, pourrait ouvrir la voie à une normalisation progressive avec le nouveau pouvoir syrien, à condition que des garanties solides soient apportées sur la protection des minorités et le respect des droits humains. Mais elle expose aussi la France à de vives critiques internes et à un débat sur les limites de la realpolitik face à l’histoire récente du dirigeant syrien.

En recevant Ahmed al-Chareh, Emmanuel Macron prend un pari audacieux : tenter d’infléchir la transition syrienne tout en maintenant une ligne rouge sur les principes démocratiques et la lutte contre l’extrémisme. Reste à savoir si ce choix portera ses fruits ou laissera une trace indélébile dans la mémoire politique nationale.

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