
L’ancien président de la République Démocratique du Congo, Joseph Kabila, est retourné vendredi 18 avril 2025 à Goma, dans l’est du pays, une ville partiellement contrôlée par le groupe rebelle M23, soutenu par le Rwanda. Ce retour, intervenu après plus d’un an d’exil auto-imposé, suscite de nombreuses interrogations quant à ses implications politiques et sécuritaires dans une région en proie à un conflit meurtrier et à une crise humanitaire majeure.
Un retour stratégique dans une zone rebelle
Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, est devenue depuis janvier 2025 un bastion du M23/AFC, une rébellion armée accusée de bénéficier du soutien du Rwanda. Cette présence rebelle a entraîné des combats meurtriers, faisant environ 3 000 morts et provoquant le déplacement de près de 7 millions de personnes. C’est précisément dans ce contexte fragile que Joseph Kabila a choisi de poser le pied sur le sol congolais.
Selon son entourage, Kabila est arrivé à Goma en provenance de Kigali, capitale rwandaise, ce qui alimente les spéculations sur ses liens avec les rebelles. Son parti, le PPRD, a défendu ce choix en invoquant l’article 30 de la Constitution congolaise qui garantit la liberté de circulation sur le territoire national. Kabila justifie son retour par la volonté de « participer aux efforts de paix » dans l’est du pays, où la situation sécuritaire s’est fortement dégradée. Jean Serge Tshiben, secrétaire national du PPRD, a déclaré : « Son retour s’inscrit dans une dynamique d’unité et de cohésion pour retrouver une paix durable dans l’est. Comment réconcilier et travailler pour la paix sans passer par là où il y a des problèmes? »
Réactions mitigées et tensions politiques
Le retour de Kabila a provoqué des réactions contrastées. À Goma, certains habitants accueillent favorablement son retour, espérant qu’il puisse contribuer à la paix, tandis que d’autres restent sceptiques, rappelant que Kabila a dirigé le pays pendant 18 ans sans résoudre cette crise.
Du côté du gouvernement central à Kinshasa, le porte-parole Patrick Muyaya a adopté une position prudente : « On attend de le voir et de l’écouter. Le président Félix Tshisekedi a déjà évoqué les liens présumés entre son prédécesseur et le M23. Nous connaissons l’ennemi et ses complices. » .Cette déclaration rappelle les accusations répétées de Tshisekedi selon lesquelles Kabila serait impliqué dans le soutien à la rébellion, une allégation que ce dernier dément en demandant des preuves concrètes. Par ailleurs, la famille de Kabila a dénoncé des perquisitions et saisies de biens à Kinshasa, qualifiant ces actes de « pillage et vol », illustrant ainsi la tension persistante entre l’ancien président et le pouvoir en place.
Enjeux sécuritaires et politiques
Le retour de Joseph Kabila à Goma intervient dans un contexte de défi sécuritaire majeur. Le conflit dans l’est de la RDC dure depuis plus de trois décennies, avec des groupes armés qui continuent de menacer la stabilité nationale. Kabila, qui a affronté la rébellion M23 durant son mandat, se présente désormais comme un acteur clé dans la recherche d’une solution politique et sécuritaire.
Cependant, son choix de revenir précisément dans une zone contrôlée par les rebelles soulève des questions sur ses véritables intentions et sur l’impact de sa présence sur les négociations de paix. Certains analystes y voient une volonté de renforcer son influence politique dans l’est, voire de contester l’autorité du président Tshisekedi.
Le retour de Joseph Kabila à Goma le 18 avril 2025 marque un tournant dans la crise politique et sécuritaire en République Démocratique du Congo. Alors qu’il affirme vouloir contribuer à la paix dans une région dévastée par la guerre, son arrivée dans une zone rebelle alimente les suspicions et ravive les tensions entre anciens alliés devenus rivaux.
L’avenir de la paix dans l’est du pays dépendra en grande partie de la capacité des acteurs politiques congolais à dépasser leurs différends et à engager un dialogue inclusif, dans le respect de la souveraineté nationale et des aspirations des populations locales.